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Militant·e·s en exil. Genre, engagements politiques et migrations au XXe siècle

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Le 24/09/2024Archives générales du Royaume : 8-10 rue de Ruysbroeck - 1000 BruxellesTarifs : Entrée libreContact : migrationhistory2024@ulb.be -

Colloque organisé en collaboration avec le Forum pour la recherche belge en histoire des femmes, du genre et des sexualités (AVG-CARHIF) et le projet BRAIN (Belspo) 'WomenExile : Gendering political exile in Belgium (1918-1958)'.

Il y a vingt ans paraissait un numéro spécial de la revue Sextant consacré aux “Femmes migrantes” (Gubin et Morelli, 2004), suivi cinq ans plus tard par un nouveau numéro dédié aux “Femmes exilées politiques” (Morelli, 2009). Dans ces deux volumes, les contributeurs et contributrices constataient autant la nécessité pour la recherche historique de considérer la singularité de l’exil au féminin (Gubin et Piette, 2009), que les nombreuses difficultés méthodologiques à découvrir les femmes migrantes dans les archives institutionnelles (Gillen, 2004). Pour les exilées politiques qui font l’objet du second volume, leur invisibilité dans les sources est doublée de leur non-reconnaissance en tant que militantes, reflet de leur illégitimité dans les mondes politiques masculins (Gubin et Piette, 2009). Alors que l’histoire des migrations s’était encore peu intéressée aux femmes, les deux volumes de Sextant soulignaient les multiples facettes des mobilités féminines, et contestaient la pertinence de la figure souvent montrée de femmes “victimes”, pour mettre en évidence leur capacité à tirer le meilleur de situations difficiles, tisser des liens de solidarité, s’organiser, s’émanciper…

La volonté des éditrices de Sextant de faire se rencontrer l’histoire des femmes et des migrations était partagée par d’autres historien·nes. L’interaction entre ces deux domaines de recherche s’est intensifiée à partir des années 2000 (Schrover 2008, Guerry 2009, Green 2013, Schrover et Moloney, 2013), en atteste la publication d’un numéro spécial sur le genre par l’International Migration Review en 2006 et d’un numéro spécial sur la migration par Gender & History en 2019. En Belgique, Jaarboek voor Vrouwengeschiedenis avait déjà publié un numéro sur le sujet en 2001, tandis que Tijdschrift voor Sociale en Economische Geschiedenis avait consacré un numéro spécial sur le genre, les migrations et les politiques gouvernementales en 2008.

Ces chantiers sont loin d’être épuisés aujourd’hui: les perspectives féministes sur les migrations et l’engagement social et politique continuent de s’enrichir de nouveaux terrains et de nouvelles grilles de lectures.

Ce colloque a pour but de donner à voir les développements récents de la recherche sur les migrant·es militant·es, en explorant les interactions entre genre, engagements politiques et migrations au XXe siècle. Les propositions pourront aussi bien porter sur l’engagement féminin que sur les masculinités ou les rapports de genre en contexte militant. Comment le genre influence-t-il la militance en migration? Et comment l’engagement politique et la migration influencent les rapports de genre et la construction des féminités et des masculinités?

Notre perspective est de considérer le genre comme un principe d’organisation central des flux migratoires et de la vie des personnes migrantes (Mahler et Pessar, 2006). En effet, le genre influence où, comment et pourquoi les personnes migrent, et comment elles s’insèrent dans la société d’arrivée (Morokvasic, 1991; Donato et al, 2006; Pessar et Mahler, 2003; Mahieu et al, 2009; Lutz, 2010). L’influence de la migration - entendue comme moteur de changement socio-culturel - sur les rapports de genre a également été largement démontrée (Hondagneu-Sotelo, 2003; Parado et Flippen, 2005): elle agit parfois dans le sens d’un empowerment, et parfois au contraire d’une accentuation de la subordination féminine (Piper, 2005; Foner, 2001; Dahinden et al., 2007). Dans cette perspective, le colloque s’intéresse aux relations sociales comme expression d’inégalités, de domination et de pouvoir, considérant que les relations de genre sont toujours médiées par d’autres catégories construites socialement, telles la “race”, l’ethnicité, la classe sociale ou la nationalité (Anthias et Yuval Davis, 1992, Phoenix et Pattynama, 2006).

Une attention particulière sera accordée à la question de la capacité d’agir - agency politique et agency migratoire - un concept qui est au centre des nouvelles recherches sur l’histoire des femmes exilées engagées au XIXe et au XXe siècle (Maugendre, 2019; Lo Biodo, 2013; André, 2016). En effet, les femmes ont souvent été considérées comme suivant les traces des hommes ou migrant à la suite de décisions familiales (Kofman, 1999) et, en tant que telles, sans agentivité, sans mobiliser leurs propres réseaux ou façonner leur propre destin (Harzig 2001). Or, les recherches démontrent qu’elles ne sont pas aveuglément soumises aux facteurs structurels, mais jouent un rôle actif dans la conception du projet migratoire, la décision de migrer, l’organisation du voyage, la participation à des réseaux et à la société d’arrivée (Timmerman, 2015, 235-243). Pour autant, l’attention au rôle actif des femmes ne doit pas mener à négliger la vulnérabilité spécifique des femmes migrantes (Nouvelles Questions Féministes, 2006). Pour cette raison, l’agency est aussi souvent interprétée au sens d’adaptation: comment les femmes s’adaptent aux opportunités et contraintes, comment elles donnent sens à leur trajectoire migratoire? Le concept d’agency est également fructueux pour penser les engagements collectifs des femmes immigrées (Veith, 1999). L’implication associative des migrantes peut ainsi être analysée comme une stratégie d’autonomisation et de résistance à la précarité (Lesselier, 2003), et les femmes migrantes dépeintes comme “résistantes, stratèges et en quête d’autonomie” (Schmoll, 2020, citée par Guerry, 2020).

Trois axes ont été définis, afin de considérer es différentes échelles sociales et spatiales sur lesquelles le genre opère simultanément à travers les terrains transnationaux (Pessar et Mahler, 2003):

  • Axe 1 : niveau micro : militer en migration et négocier les frontières du genre : Cet axe s’intéresse aux formes de l’engagement politique féminin et à la répartition genrée du travail militant en contexte de migration. Il questionne la porosité du politique et de l’intime, les croisements entre engagement, vie communautaire, vie publique et vie privée. Comment se négocie la prise en charge des soins dans les familles militantes? Quelles sont les continuités et discontinuités des carrières militantes au fil du parcours migratoire, et comment se négocient les rapports au pays d’origine? Une attention particulière pourra être prêtée aux effets de l’engagement et de la migration sur les corps, et sur l’agency genrée des migrant·es militant·es.
  • Axe 2 : niveau méso : réseaux, sociabilités et circulations militantes : Cet axe interroge les rapports de genre au sein des réseaux militants, politiques et/ou communautaires, et les enjeux de la (non-)mixité des organisations. Quel est l’impact du genre des militant·es sur leur sociabilité et leurs réseaux dans les pays d’arrivée et d’origine? Cet axe s’intéresse également aux rapports de genre au sein des réseaux militants transnationaux, à l’internationalisme et à la mobilité comme modalité de l’engagement politique - et leurs implications en terme de genre.
  • Axe 3 : niveau macro : regards institutionnels, regards normatifs, représentations, et leurs conséquences sur la vie des personnes : Cet axe se penche sur la dimension de genre dans les discours et représentations de la militance en exil : moralisation, répression, stigmatisation, invisibilisation… Il s’intéresse aux représentations (dans la presse ou la littérature) ainsi qu’aux appréhension policières de l’engagement politique des femmes et des hommes exilé·es. Sous quelles modalités les femmes migrantes sont-elles reconnues comme des sujets politiques agissants? Quelles sont les conséquences dans leur vie quotidienne et sur leurs engagements? Certaines recherches ont par exemple souligné comment l’invisibilité des femmes militantes pouvait aussi être une ressource: celles-ci éveillent moins la méfiance des autorités, ouvrant un certain nombre de possibilités d’action (Durant, Dupont et Diaz, 2021)…

Informations pratiques 

Le colloque est organisé en collaboration avec le Forum pour la recherche belge en histoire des femmes, du genre et des sexualités (AVG-CARHIF) et le projet BRAIN (BELSPO) WomenExile : Gendering Political Exile in Belgium (1918-1958) conjointement porté par les Archives Générales du Royaume, l’Université libre de Bruxelles et l’Université d’Anvers.

La journée se tiendra aux Archives Générales du Royaume (2 rue de Ruysbroek, 1000 Bruxelles) le 24 septembre 2024. Les présentations se feront en anglais. Les propositions (300 mots) sont à envoyer accompagnées d’une courte biographie pour le 15 mars 2024 à l’adresse migrationhistory2024@ulb.be. Les notifications d’acceptation seront communiquées au plus tard le 8 avril 2024.

Les actes du colloque seront publiés dans un numéro spécial de la revue Sextant (2025) aux Éditions de l’Université de Bruxelles. Sextant étant une revue bilingue, les articles peuvent être rédigés en français ou en anglais. Les premières versions des articles seront attendues début 2025 pour être soumises au peer-review.

Comité organisateur 

  • Michaël Amara (AGR)
  • Henk de Smaele (UAntwerpen)
  • Juliette Masquelier (ULB/UAntwerpen)
  • Aline Thomas (AGR)
  • Cécile Vanderpelen (ULB)

Comité scientifique 

  • Michaël Amara (AGR)
  • Henk de Smaele (UAntwerpen)
  • Asunción Fresnoza-Flot (ULB)
  • Hilde Greefs (UAntwerpen)
  • Juliette Masquelier (ULB/UAntwerpen)
  • Aline Thomas (AGR)
  • Cécile Vanderpelen (ULB)

Bibliographie

  • André, Marc (2016), Femmes dévoilées. Des Algériennes en France à l’heure de la décolonisation, Lyon, ENS éditions.
  • Anthias, Floya et Nira Yuval-Davis (1992), Racialized Boundaries: Race, Nation, Gender, Colour, Class and the Anti-Racist Struggle, London, Routledge.
  • Dahinden, Janine et al. (2007), « Migrations: genre et frontières, frontières de genre”, Nouvelles Questions Féministes, vol. 26, n°1, p. 4-14.
  • Donato, Katharine, Donna Gabaccia, Jennifer Holdaway, Martin Manalansan IV, and Patricia Pessar (2006), « A Glass Half Full? Gender in Migration Studies », International Migration Review, vol. 40, n°1, p. 3-26.
  • Durand, Antonin, Alexandre Dupont et Delphine Diaz (2021), « Sur les pas des femmes en exil. Nouvelles questions, nouvelles sources », Diasporas. Circulations, migrations, histoire, vol. 38, p. 7-20.
  • Gillen, Jacques (2004), « La “transparence” des femmes migrantes dans les archives », Sextant, n°21-22, p. 17-34.
  • Green, Nancy L. (2013), « Changing Paradigms in Migration Studies: From Men to Women to Gender » in D. R. Gabaccia et M. J. Maynes, Gender History Across Epistemologies », Malden, Oxford, Chichester, Wley-Blackwell, p. 262-278.
  • Grieco, Elizabeth et Monica Boyd (1998), « Women and Migration: Incorporating Gender into International Migration Theory », Working Paper Florida State University, n°139.
  • Gubin, Eliane et Anne Morelli (2004), « Pour une histoire européenne des femmes migrantes », Sextant, n°21-22, p. 7-16.
  • Gubin, Eliane et Valérie Piette (2009), « Sur la singularité de l’exil politique féminin dans une perspective historique », Sextant, n°26, p. 157-169.
  • Guerry, Linda (2009), « Femmes et genre dans l’histoire de l’immigration: Naissance et cheminement d’un sujet de recherche » Genre & Histoire, vol. 5, p. 1-16.
  • Guerry, Linda (2020), « De l’invisibilité à la valorisation de l’engagement », Hommes et Migrations, n°1331, p. 17-23.
  • Harzig, Christiane (2001), « Women Migrants as Global and Local Agents: New Research Strategies on Gender and Migration », in Pamela Sharpe, Women, Gender and Labour Migration: Historical and Global Perspectives, Londres, Routledge, p. 15-28.
  • Hondagneu-Sotelo, Pierrette (2003), « Gender and Immigration: A Retrospective and Introduction », in Pierrette Hondagneu-Sotelo, Gender and U.S. Immigration: Contemporary Trends, Berkeley and Los Angeles, University of California Press, p. 2–18.
  • Kofman, Eleonore (1999). « Female “Birds of Passage” a Decade Later: Gender and Immigration in the European Union », International Migration Review, vol. 33, n°2, p. 269-299.
  • Lesselier, Claudie (2013), « Mouvements de femmes de l’immigration en France dans les années 1970 », Migrance, vol. 42, p. 13-28.
  • Lo Biondo, Bruna (2013), « Femmes, immigrées et résistantes :la Résistance française au féminin dans le dictionnaire historique de l’immigration », Migrance, vol. 42, p. 259-263.
  • Lutz, Helma (2010), « Gender in the Migratory Process », Journal of Ethnic & Migration Studies, vol. 36, n°10, p. 1647-1663.
  • Mahieu, Rilke, Dirk Vanheule, et Christiane Timmerman (2009), De genderdimensie in het Belgische en Europese asiel- en migratiebeleid/La dimension de genre dans la politique belge et européenne d’asile et de migration, Brussels, Instituut voor de Gelijkheid van Vrouwen en Mannen/Institut pour l’Egalité des Femmes et des Hommes.
  • Mahler, Sarah et Patricia Pessar (2006), « Gender Matters: Ethnographers Bring Gender from the Periphery toward the Core of Migration Studies », International Migration Review, vol. 40, n°1, p. 27–63.
  • Maugendre, Maëlle (2019), Femmes en exil : les réfugiées espagnoles en France, Tours, Presses universitaires François Rabelais.
  • Miranda, Adelina, Nouria Ouali, Danièle Kergoat (2011), « Les mobilisations des migrantes : un processus d’émancipation invisible? Introduction », Cahiers du Genre, n°51, p. 5-24.
  • Morokvasic, Mirjana (1991), « Fortress Europe and Migrant Women » Feminist Review, vol. 39, Winter, p. 69–84.
  • Parado, Emilio et Chenoa Flippen (2005), « Migration and Gender among Mexican Women », American Sociological Review, vol. 70, n°4, p. 606–632.
  • Pessar, Patricia et Sarah J. Mahler (2003), « Transnational Migration: Bringing Gender In », International Migration Review, vol. 37, n°3, p. 812-846.
  • Phoenix, Ann et Pamela Pattynama (eds) (2006), « Intersectionality », European Journal of Women’s Studies, vol. 13, n°3, p. 187-192.
  • Piper, Nicola (2005), « Gender and Migration », Paper prepared for the Policy Analysis and Research Program of the Global Commission on International Migration (GCIM).
  • « Sexisme et racisme : le cas français », Nouvelles Questions Féministes, vol. 25, n° 1, 2006.
  • « Sexisme, racisme et postcolonialisme », Nouvelles Questions Féministes, vol. 25, n° 3, 2006.
  • Schmoll, Camille (2020), Les damnées de la mer. Femmes et frontières en Méditerrannée, Paris, La Découverte.
  • Schrover, Marylou (2008), « Verschillen die verschil maken. Inleiding op het themanummer over gender, migratie en overheidsbeleid in Nederland en België in de periode 1945-2005 », Tijdschrift voor Sociale en Economische Geschiedenis, vol.5, n°1 , p. 3-22.
  • Schrover, Marylou (2013), « Feminization and Problematization of Migration: Europe in the Nineteenth and Twentieth Centuries », in D. Hoerder et A. Kaur, Proletarian and gendered mass migrations: A global perspective on continuities and discontinuities from the 19th to the 21st centuries, Leiden, Boston, Brill, p. 103-131.
  • Schrover, Marylou et D. M. Moloney (eds.) (2013), Gender, Migration and Categorisation: Making Distinctions between Migrants in Western Countries, 1945-2010, IMISCOE Research, Amsterdam, Amsterdam University Press.
  • Timmerman, Christiane, Marco Martiniello, Andrea Rea, et Johan Wets (2015), New Dynamics in Female Migration and Integration, London, Routledge.
  • Veith, Blandine (1999), « Femmes immigrées: de l’implication associative à la dynamique de travail », Cahiers du Gedisst, n°23.
 
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